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L’album “Chaloupée — Muzetto créole”

Avez-vous un jour imaginé de retrouver ensemble la musique de Gus Viseur, Jo Privat, Tony Murena, non pas jouant chacun un morceau mais faisant fusionner leurs compositions, et avec des influences venant de la Réunion, du Brésil, de Cuba, voir de l’Europe de l’Est ?
C’est ce que Philippe Mallard et son équipe de musiciens ont réalisé avec l’album “Chaloupée” (L’Autre Distribution).
Rien que le titre est une invitation aux voyages. Et c’est un grand bonheur d’entendre une valse swing fusionner avec le rythme du maloya, de la salsa ou dans des atmosphères de samba.
Mais ne vous y trompez pas : ce quartet est respectueux des oeuvres d’origines. Il leur redonne une nouvelle vie, une nouvelle jeunesse. En prime, quatre belles compositions de Philippe Mallard et Jean-Baptiste Laya, dans l’esprit fusion des cultures et des tempos, ne vous ne laisseront pas indifférents.
Peut-être que dans l’avenir, le muzetto créole aura été à l’origine de nouvelles danses qui, au départ, étaient des valses swing datant des années 1930. Les danseurs nous le confirmeront.
Si vous aimez l’accordéon et son patrimoine musical, les musiques du monde et les rencontres humaines et artistiques, ne laissez pas passer cet album.

Gérard Viel

Philippe Mallard Muzetto créole

Philippe Mallard, de Beauvais, est un accordéoniste talentueux, en perpétuel mouvement. Discret, chaleureux, créatif, ouvert, il est à la recherche de rencontres humaines et culturelles.
Des années de route auprès de grands chanteurs français ou dans les univers du jazz, parfois du théâtre, ont permis à Philippe Mallard d’affiner sa démarche personnelle et sa sensibilité. Sa passion et son intérêt pour le répertoire musette, swing, et son ouverture vers les cultures des autres lui ont permis d’élaborer sa musique “muzetto créole”. Rencontre avec un homme de cœur, un bon vivant et un humaniste convaincu.

Peux-tu nous parler de ta passion pour l’accordéon ?

Je suis toujours très touché par la palette de sons, de sonorités qui peuvent provenir de l’accordéon. Cette capacité à malaxer la matière du son pour le faire évoluer de différentes manières grâce au soufflet. L’accordage choisit la vibration des lames. La fabrication manuelle contribue à la personnalité de chaque instrument. L’accordéon est l’outil idéal pour aller à la rencontre de nombreux univers sonores. En fait, il est un véritable passeport pour aller à la rencontre des autres et des différentes cultures qui nous entourent. Et c’est ça qui me plaît.

Que ressens-tu lorsque tu tiens un accordéon dans tes bras ?

En fait, pratiquant cet instrument depuis quarante ans, c’est surtout quand il m’arrive de ne pas en jouer pendant quelques jours, pour différentes raisons, que je ressens comme un manque.

Tu as commencé très jeune l’apprentissage de cet instrument. Qu’est-ce qui a motivé ta décision ?

Au tout début, il y a sans doute une part de hasard. On écoutait de l’accordéon à la maison — je me souviens d’un disque de Jo Privat qui tournait souvent — ainsi que des chansons populaires de l’époque. Et puis il y avait des cours à la MJC de Méru (ville de l’Oise où j’ai passé mon enfance), où nous étions de nombreux jeunes à apprendre l’accordéon. Au fur et mesure, je me suis aperçu qu’en jouant, on provoque des réactions positives, de la joie, de la mélancolie, bref des émotions chez les autres. Qu’il s’agisse d’une personne âgée qui replonge dans ses souvenirs le temps d’une mélodie, d’un couple qui se met a danser, ou d’un enfant souriant et fasciné par la magie de cet instrument. Plus tard, étant issu d’un milieu populaire, jouer de la musique me permettait aussi de gagner un peu d’argent qui contribuait au financement de mes études.

Tu as accompagné différents groupes et artistes. Que retiens tu de cette période ?

Une ouverture formidable. L’excitation de partir en tournée avec des musiciens talentueux, d’horizons différents. La découverte des musiques d’ailleurs, du m’godro avec Mikidache (Mayotte) au m’balax d’Omar Pene (Sénégal) en passant par le fado avec Bevinda et Philippe de Sousa, excellent joueur de guitare portugaise. Des émotions scéniques fortes avec des chanteurs comme Leny Escudero, Jean Guidoni (“Où vont les chevaux quand ils dorment ?”, spectacle hommage à Allain Leprest). Construire des répertoires avec la prise en compte des sensibilités de chacun. Je retiens aussi tous les voyages en Corée du sud en Afrique, au Canada. À chaque fois, c’est une occasion inestimable de découvrir d’autres pays, d’y voir des populations aux pratiques culturelles si différentes. Et parfois d’y voir toutes les difficultés pour certaines populations de satisfaire leurs besoins vitaux. Ça m’a servi à définir de plus en plus mes goûts, mes envies et mes choix. J’en retiens aussi des rencontres avec des musiciens avec qui nous avons construit de belles et solides d’amitiés : Pierre Jacquet, Max Robin, l’équipe de Zic Zazou (Michel, Pierre, Hervé, Pépé…), Doudou Konaré, Doudou Swing (Philippe Cuillerier, Antonio Licusati, Victorine Martin). Ou encore Lucien Zerrad, avec qui je travaille depuis longtemps au sein du Zerrad Trio. Nous préparons l’enregistrement du deuxième album de ce groupe pour début 2017.
Avec mes musiciens, nous sommes naturellement allés vers le maloya, la samba, le tango et le jazz pour jouer ce jazz “muzetto créole”.

Quel répertoire musical affectionnes-tu en priorité ?

Depuis vingt ans, je suis allé de coup de cœur en coup de cœur : Gus Viseur avec la valse swing, le jazz (français ou américain) avec Richard Galliano, Charlie Parker, John Coltrane, le tango avec Astor Piazzolla, les musiques brésiliennes, africaines. Mais j’aime particulièrement les musiques acoustiques pleines de belles mélodies, de fusion de timbres originaux et colorés de percussions, où l’improvisation peut trouver sa place.

Comment s’est faite la rencontre entre les univers jazz, swing, samba, maloya ?

Par le choix même des musiciens participant à ce projet.

Parle-nous de ton album “Chaloupée”, sous-titré “Muzetto créole”.

Pendant des années, j’ai amené l’accordéon dans des traditions musicales autres que celle habituellement attribuée à l’instrument en France. Ensuite, j’ai eu envie de faire intervenir des musiciens d’autres horizons musicaux dans un répertoire basé sur la culture de la valse swing. D’où le choix de titres de Jo Privat, Gus Viseur, Tony Murena. Pour cela, il fallait des musiciens avec une capacité d’ouverture pour dépasser les styles, trouver une sonorité originale.

Comment s’est constituée l’équipe des musiciens qui t’accompagnent dans cette aventure ?

Nous nous sommes rencontrés ces dernières années au gré des concerts ou des festivals. Très vite, nous avons constaté une véritable envie de jouer ensemble. Je me suis entouré d’excellents musiciens, prêts à ouvrir les barrières et dépasser toutes les frontières : Jean-Baptiste Laya (guitare), Thérèse Henry (basse) et Fabrice Thompson (percussions). La guitare jazz électrique de Jean-Baptiste est rarement entendue dans ce contexte. C’est un musicien raffiné, et il a beaucoup contribué aux arrangements et à la réalisation de l’album. La basse de Thérèse rodée au groove des musiques du Sud amène une couleur particulière au son d’ensemble. Avec Fabrice Thompson, venant de Guyane, c’est toute la musique caribéenne qui rencontre la valse swing. C’est tout naturellement que nous sommes allés vers le maloya, la samba, le tango et le jazz pour jouer ce jazz “muzetto créole”.

Comment travaillez-vous le choix du répertoire et les arrangements ?

Dans un premier temps, j’ai choisi des valses qui me semblaient représentatives du répertoire valse swing. Et c’est avec Jean-Baptiste Laya que, à partir des mélodies, nous avons tenté de les adapter en fonction des styles choisis. C’est un travail que nous faisons souvent ensemble depuis plusieurs années sur des répertoires variés. Ensuite, nous avons proposé les arrangements à Thérèse et Fabrice. Ils se les ont accaparés et y ont apporté leurs touches et couleurs personnelles.

Quelles sont les réactions du public à cette fusion musicale et culturelle ?

À chaque concert, nous avons constaté d’abord une surprise. Puis on sent le public venir avec nous, dans un climat chaleureux, et convivial. Pour les connaisseurs d’accordéon, ils nous ont fait part de leur sentiment de rafraîchissement du répertoire en le traitant ainsi. Parmi les commentaires, on nous dit que c’est une musique mélodique, rythmée, dans laquelle on peut rentrer facilement. Et qui est propice au rapprochement de publics différents. Dans une période où le repli sur soi serait la règle, nous affirmons au contraire l’envie et la nécessité des métissages, ce besoin d’ouverture à l’autre. Pour aller dans le sens d’une humanité libre et fraternelle.

Sur quel type d’accordéon joues-tu et pourquoi ce choix ? Quel système de micros utilises-tu en concert ?

Mon accordéon est un modèle jazz Victoria de 1995, avec un son précis et chaleureux, qui donne un bon équilibre main droite/main gauche, et avec de basses profondes. Il possède un grand choix de registres car à l’époque, je cherchais un accordéon sans vibration. Avec le temps, j’ai repris goût à une légère vibration, en fonction des répertoires que je joue. Sur scène, j’utilise des micros Shure Beta 98, quand il faut un son de proximité, l’idéal étant des micros extérieurs. Dans ce cas, je laisse faire les ingénieurs du son.

En concert “Muzetto créole” : 24/04 Petits Joueurs, Paris 19 e (75) • 02/06 La Table d’Émile à Montreuil (93) • 09/06 Caméléon à Conchyles-Pots (60) • 16/06 Tongaso à Beauvais (60).